Alors que les fans espéraient avoir des nouvelles de FFXVI et de la suite du remake de FF VII, c’est avec ce spin-off au titre improbable que Square Enix entend combler leurs attentes… Un choix pour le moins délicat. Confié à la Team Ninja, cet épisode s’éloigne en effet des J-RPG inhérents à la licence. Dans l’absolu, il s’agit d’un croisement inédit entre Nioh et un classique Final Fantasy. Moqué pendant les différentes démos pour sa technique, son esthétique et son absurdité proverbiale, ce Stranger of Paradise : Final Fantasy Origin possède néanmoins des qualités qui en font un jeu unique, quitte à diviser. Explications.
Théorie du Chaos
Notre héros du jour s’appelle Jack Garland. Ce qui le motive le plus dans la vie c’est de tuer Chaos, un être maléfique qui serait responsable de tous les maux du monde de Cornélia où se déroule l’aventure. Son élimination permettrait à tous de vivre dans la prospérité. Mais voilà, il est introuvable ! Avec ses compagnons d’infortune, Jack va donc visiter les quatre coins du globe pour remédier à cette situation et anéantir Chaos. La routine en somme.
Si vous vous êtes penchés sur le sujet, vous avez dû voir fleurir un peu partout des compilations de dialogues, d’instants grotesques issus du jeu et notamment un Jack blasé qui insulte chaque boss avant de balancer tranquillement « ARE YOU CHAOS ? », histoire de rappeler son obsession à longueur de journée…
C’est plutôt inhabituel et bancal, mais il faut comprendre que notre blondinet viril, n’en a rien à faire du scénario — il n’est pas le seul apparemment ! — ou des origines du premier Final Fantasy en guise de toile de fond. Il le dit lui-même, pour lui tout ça c’est du « bullshit » !
Un tel niveau de je-m’en-foutisme narratif risque de désarçonner plus d’un fan soucieux d’un minimum de cohérence diégétique et les interrogations se bousculent. Quel est donc la logique de ce contrepied majuscule ? Conscients que l’histoire et le « twist final » étaient déjà connus des aficionados, les créateurs ont-ils souhaité se payer une bonne rigolade ? On peut se poser la question tant le titre déroute au premier abord. Le choix de l’ironie omniprésente se tient certes, mais la désinvolture avec laquelle les événements sont traités implique des enchaînements incompréhensibles, sinon invraisemblables ! Second degré assumé ou jeu qui se prend trop au sérieux ? Difficile de trancher, mais on sent bien que si cet « Origin story » se justifiait sans doute dans un calendrier comptable il n’avait pas plus de place dans les projets des équipes de développement que dans les carnets des scénaristes…
Le Chaos, c’est moche !
Cette impression se confirme dès le premier coup d’œil, car au chapitre des sujets qui fâchent, le rendu graphique du jeu et la direction artistique sont en tête de gondole ! Oui, Stranger of Paradise est résolument laid. Il y aurait d’ailleurs tellement à dire à ce sujet qu’on ne sait réellement par où commencer. Peut-être par des choix esthétiques mélangeant sans vergogne des éléments d’heroic fantasy et de modernité ? Attendez-vous donc à voir des héros en sneakers et Jean’s noirs débouler dans un ersatz de château médiéval sauce techno’ avec de la pop-rock plein leurs écouteurs Bluetooth… La licence Final Fantasy est assez coutumière du fait, mais elle n’était jamais allée aussi loin dans ce pot-pourri visuel !
Pour ne rien arranger, le titre met en avant des couleurs peu harmonieuses et très saturées. En conséquence, ça scintille un peu partout et les zones sombres sont difficilement lisibles. À telle enseigne que nous nous sommes demandé si le HDR était correctement réglé pour le test ! Malheureusement oui et le constat est sans appel : Stranger of Paradise est en retard sur le plan technique et artistiquement raté.
Moche, mais sexy !
Vous avez dû vous en rendre compte en cliquant sur le test, malgré ses défauts rédhibitoires pour de nombreux joueurs, Stranger of Paradise : Final Fantasy Origin a obtenu une bonne note. Le bébé de la Team Ninja tient en effet debout grâce à son gameplay très plaisant, véritable marque de fabrique du studio.
Patchwork de jeux d’action japonais, Stranger of Paradise emprunte ainsi à beaucoup de valeurs sûres du genre et parvient à un résultat inédit. L’influence de Nioh est évidente, mais l’implantation d’une jauge de posture qui, une fois vidée peut conduire à une exécution des ennemis évoque immédiatement Sekiro : Shadows Die twice. Dès lors, les combats sont très brutaux et les barres de vies peuvent vite être réduites à néant pour peu qu’on assimile bien les faiblesses des adversaires. Avec cette mécanique de gameplay parfaitement réglée, la frénésie des affrontements est par moments, réellement hypnotique.
De fait, en dépit d’un héritage souls-like, on a finalement affaire à un beat’em all ultra nerveux dans la lignée d’un Ninja Gaiden !
Get the job done
Part intégrante de la saga Final Fantasy, Stranger of Paradise y pioche logiquement quelques idées. Le principal emprunt à la série est le système de jobs utilisé à de multiples reprises. Il s’agit en réalité de classes de RPG, et dans ce titre vous en aurez 30 avec chacune ses spécificités !
Citons l’exemple du Tyran qui peut donner un effet élémentaire à ses attaques, celui du Mage rouge qui peut se buffer ou encore celui du Paladin qui régénère ses PV en continu…
Durant les 25 heures requises pour boucler le titre et vous proposer ce test nous avons essayé la plupart des jobs et tous nous ont paru pleinement viables. L’avantage de ce système est d’autoriser une diversité de builds assez folle. Si l’on combine ces 30 classes avec les huit armes à notre disposition, chacune d’entre elles possédant sa logique et ses combos, il en résulte une profondeur de gameplay d’autant plus enthousiasmante qu’il est aisé d’y trouver SON Graal !
Cette richesse vertigineuse tient à la facilité d’accès aux différents jobs, sachant que les niveaux d’XP permettent de débloquer sans cesse de nouvelles classes afin d’accroître encore et encore les possibilités ! Cerise sur le gâteau, vous pourrez créer deux configurations distinctes et échangeables à n’importe quel moment par une simple pression sur ! Parfait pour ceux qui voudraient passer en un éclair de la force brute d’un Guerrier à la finesse d’un Voleur. De toute évidence, ce système de jobs est de loin la plus grosse valeur ajoutée de Son of Paradise : Final Fantasy Origin !
Stranger of Nioh
Avec des influences comme Sekiro et Nioh on pouvait penser que Stranger of Paradise jouerait lui aussi à fond la carte de l’exigence. Mais ce n’est pas totalement le cas. D’abord parce que le jeu possède trois modes de difficulté (dont un très permissif), mais aussi parce que du fait de sa profusion de builds, d’équipements et de jobs, on accède rapidement à des cocktails surpuissants !
Pour cela, il faudra quand même mettre les mains dans le cambouis et aller visiter des menus particulièrement indigestes, mais le jeu en vaut la chandelle, car en étant malin il est possible de cumuler des atouts passifs à même de rendre vos personnages dévastateurs.
Par ailleurs, ceux qui aiment les défis choisiront l’option la plus ardue et ne seront pas déçus : les timings plus serrés et les boss viendront à bout des barres de vie en… un coup ! Heureusement la fluidité du jeu est inattaquable et sur Xbox Series X on n’a jamais le sentiment de subir le moindre écueil technique. Partant, les combats de Stranger of Paradise : Final Fantasy Origin sont jubilatoires et n’auront aucun mal à vous accrocher à votre manette !
En revanche, nombre de défauts et de limites risquent de vous faire lever les yeux au ciel pendant vos sessions de jeu. À commencer par un level design qui semble avoir été conçu en mode « pilote automatique ». Bien que le titre soit assez proche d’un souls-like, il obéit à une construction par missions. Chacune d’entre elles tente d’être un « mini Dark Souls » avec son contingent de raccourcis à déverrouiller, de feux de camp à découvrir (ici des cubes, comme dans Nioh), etc. Le problème, c’est qu’au bout du quatrième niveau — sur les vingt proposés — les développeurs semblent avoir eu une panne sèche d’inspiration !
On nous ressert donc les mêmes cordelettes, échelles ou ascenseurs à débloquer encore et encore ad nauseam. Plus le jeu avance, plus ça devient ridicule avec l’apparition de portes de laboratoires qu’on ouvre grâce à des cartes de couleur, « à l’ancienne » !
De surcroît, cet agencement désuet est plombé par les environnements sans surprise, ternes et répétitifs. Grotte mystérieuse ? Check. Volcan ? Check. Usine high-tech ? Check. Quelques niveaux directement inspirés des anciens épisodes majeurs de la franchise sortent du lot, mais c’est insuffisant. Très insuffisant.
Abondance de biens…
Dernière tare à nos yeux (héritée de Nioh également) : l’avalanche de loot !
On pensait Borderlands hors de portée d’un Final Fantasy en la matière, eh bien Stranger of Paradise prouve le contraire ! Chaque ennemi vaincu offre une cascade d’items : du blanc, du bleu, du rouge, du nul, du surpuissant… On finit les missions avec une quantité astronomique de bidules colorés et il y a de quoi se sentir débordé.
Par bonheur, le titre permet d’optimiser tout ce bazar d’une seule pression sur quitte à donner à nos héros de sacrées têtes de clowns… À l’inverse, rien pour jeter automatiquement le butin inutile. Toutes les deux-trois missions vous devrez donc faire le tri entre des centaines d’armes qui se ressemblent toutes. Youpi !
Final Fantasy oblige, la musique occupe une place prépondérante dans Stranger of Paradise. On n’atteint pas les sommets de la saga certes, mais les reprises de thèmes anciens et les morceaux qui rythment les affrontements s’en sortent avec les honneurs.
Concernant les succès, sachez qu’il faudra vous accrocher pour obtenir le dernier, attendu qu’il nécessite de terminer le jeu en mode de difficulté « CHAOS », lui-même accessible uniquement après avoir mené l’aventure à son terme une première fois… Bon courage !
Croyez-le ou non, Stranger of Paradise : Final Fantasy Origin possède des qualités étonnantes sous ses atours peu reluisants. Le grand public sera sans doute totalement réfractaire à cette proposition presque hors du temps (et des conventions). Pour autant, ceux qui passeront outre découvriront un jeu d’action très carré au gameplay extraordinaire, brutal en diable, particulièrement addictif, extrêmement fluide et finalement assez rare de nos jours.
Stranger of Paradise : Final Fantasy Origin est disponible sur le Microsoft Store à partir de 69,99€
Nous remercions l’éditeur de nous avoir fourni une version dématérialisée du titre pour ce test.
The Good
- Un gameplay extrêmement solide
- Système de job addictif
- Plusieurs manières de jouer et de la variété dans les builds
- Fluidité irréprochable (sur Xbox Series X)
- Accessible pour les débutants, exigeant pour les mordus de défis
The Bad
- Que c'est moche !
- Narration, écriture et personnages grotesques
- Level design hors d'âge
- Profusion de loot pénible !