Avec DONTNOD qui est désormais parti vers d’autres cieux en développant Tell Me Why et Twin Mirror pour Microsoft et Bandai Namco, Square Enix devait trouver un autre studio pour battre le fer Life Is Strange tant qu’il est encore chaud. Tout logiquement c’est le studio Deck Nine, responsable du spin-off Before The Storm, qui s’est vu hériter de la tâche d’un nouvel épisode. Dites donc bonjour à True Colors qui abandonne le format épisodique, suffisant pour donner un second souffle à la série ? Pas sûr.
La couleur des sentiments
True Colors nous raconte l’histoire d’Alex Chen, jeune Sino-Américaine ayant grandi en foyer loin de ses parents et de son frère Gabe. Le récit débute avec l’arrivée de notre héroïne dans le petit village minier de Haven, non loin du Colorado, un petit havre de paix où son fraternel vit depuis quelque temps. Life Is Strange oblige, on apprendra très vite qu’Alex possède un pouvoir, une capacité qu’elle porte comme un fardeau, une forme d’empathie extrême. Elle est effectivement capable de ressentir les émotions des autres lorsque celles-ci sont très intenses. En plus de les repérer grâce à l’émanation d’une aura colorée, ces sentiments sont ressentis par Alex elle-même. Véritable éponge émotive, notre héroïne subit toute la tristesse, la peur, la colère ou encore la joie des gens qui l’entoure. Après un premier chapitre d’exposition très classique nous présentant le lieu de l’aventure et les personnages, le jeu vient nous arracher le personnage de Gabe lors d’un tragique accident.
À partir de là Alex cherchera à se construire un foyer autour des proches qu’avait côtoyé Gabe à Haven et surtout d’élucider le mystère autour de ce drame finalement pas si accidentel. LiS True Colors nous parle donc beaucoup de deuil, de la reconstruction des proches après un tel drame, des souffrances liées à la perte de quelqu’un de cher. Comme souvent avec la série, ces thèmes ne sont toujours pas traités avec la plus grande finesse, quand les gens sont tristes, ils pleurent beaucoup, quand ils sont en colère, ils hurlent et sont violents. De plus le gimmick de l’épisode « à chaque sentiment, sa couleur » n’aide pas à apporter beaucoup de nuances. Cependant le pouvoir d’Alex permet de jolis moments de mise en scène comme la saga n’en a jamais vu. Des courtes scènes où le jeu se laisse aller à une déferlante de délires visuels pour souligner la détresse, la joie ou la peine des protagonistes. Heureusement que ces moments marquants sont là pour ponctuer un récit finalement peu passionnant et engageant. Une enquête menée tambour tout sauf battant, l’objectif est sûrement de nous faire nous concentrer sur les personnages, mais malheureusement ces derniers ne sont pas les plus attachants et reste très souvent dans leur stéréotype. On pourra cependant souligner la qualité et l’originalité du troisième chapitre qui prend le risque de changer un peu le gameplay et de proposer un jeu de rôle grandeur nature.
Une formule éculée
Si comme dit plus haut, le jeu abandonne le format épisodique et nous donne accès à une VF de très bonne facture, ces deux nouveautés sont malheureusement les seules que le jeu apporte à la saga. Pour le reste c’est du déjà vu et du déjà joué. Quiconque ayant déjà fréquenté les anciens épisodes de la série se retrouvera dans des chaussons trop familier. Toujours les mêmes dialogues à choix, toujours les mêmes phases d’exploration où l’on interagit avec moult objets et toujours les mêmes pensées à voix haute du protagoniste. Même ce qui pourrait être vu comme un pas en avant, comme l’abandon du format épisodique, n’est finalement pas totalement assumé par le jeu vu que de nombreux artifices de ce modèle sont toujours là. Clifhanger en pagaille, ellipse temporelle pas toujours nette et découpage en 5 chapitres, si True Colors avait été distillé au fil de l’année comme ces aînés, cela n’aurait pas été étonnant.
Pour le reste on peut tout de même souligner une jolie progression sur le plan graphique, bon on n’est pas au niveau des plus grands AAA évidemment, mais les visages ont reçu un soin tout particulier. Leurs expressions sont bien plus lisibles que précédemment aidant à rendre les personnages un peu plus crédibles. Combiné cela à la patte artistique de la série toujours aussi charmante, couleurs vives presque pastels et on obtient un titre très agréable à l’œil. Cependant la technique n’est pas irréprochable avec des temps de chargement assez long et mal caché (hop petit écran noir de plusieurs secondes en rentrant dans un nouveau bâtiment) ou encore un synchro labial pas exemplaire. Musicalement True Colors ne prend pas le risque là non plus de s’éloigner de ses grands frères, du rock et de la pop indé très agréable à l’oreille, vos playlists Spotify/Deezer risquent de s’enrichir de plusieurs titres. Bouclé en 8-10 heures ce nouveau LiS est un jeu qui ne bousculera pas les fans de la licence, et ce même dans les succès du jeu. Les quarante réalisations demanderont donc de finir les chapitres, mais aussi de trouver des souvenirs éparpillés un peu partout, des sortes de collectibles, semblables aux photos et aux croquis de LiS 1 et 2.
Avec son squelette quasi inchangé, LiS True Colors ne devrait pas trop avoir de mal à convaincre les fans de la licence. Même si l’intrigue n’est pas la plus passionnante et les personnages ne sont pas les plus marquants de la saga, l’histoire reste agréable à suivre grâce à de jolie fulgurance de mise en scène et une direction artistique plaisante. Pour les sceptiques on recommandera de s’essayer aux deux premiers épisodes, plus engageant et disponible pour une bouchée de pain aujourd’hui. On finira tout de même en se demandant si la formule tiendra encore dans le temps avec aussi peu de changement, on espère que la saga Life is Strange ne subisse pas la même trajectoire que les jeux Telltale qui n’ont jamais su se renouveler et qui sont aujourd’hui disparus.
Le jeu a été testé grâce à une version fournie par l’éditeur, merci à eux. Si vous êtes intéressé par le jeu, ce dernier est disponible sur le store pour le prix de 59,99€.
The Good
- Un bond en avant graphique appréciable
- De joli moment de mise en scène...
- L'arrivée d'une VF de qualité
- Un chapitre 3 très surprenant
The Bad
- Du déjà vu, déjà joué
- ... au service d'une histoire peu passionnante
- Souvent la finesse d'un éléphant dans son discours
- Les artifices du format épisodique toujours là